Un paradoxe congolais en matière de plastiques ?
À Kinshasa, les déchets plastiques sont devenus omniprésents dans le paysage urbain. Le paradoxe est saisissant : une ville sans système formel de gestion des déchets se noie dans des matières qui pourraient pourtant être une source d'emplois, de matériaux de construction, et d'innovations. Face à cette urgence environnementale, les déchets plastiques doivent être reconsidérés non comme des rebuts, mais comme une opportunité pour répondre aux enjeux climatiques, à la restauration des sols, à la protection de l’eau et à la création d’une économie circulaire verte et locale.
Une gestion des déchets à la dérive : le cas criant de Kinshasa
- Kinshasa produit entre 9 000 à 10 000 tonnes de déchets solides par jour, dont 10 à 15 % sont des plastiques non biodégradables, principalement à usage unique : sachets, bouteilles, emballages,
- Moins de 40 % des déchets sont collectés par les services publics. Le reste se retrouve dans les caniveaux, rivières ou en pleine nature, aggravant les inondations et la pollution ;
- Aucune décharge finale opérationnelle ni système de recyclage structuré ne permet une seconde vie aux objets plastiques.
Pollution plastique et crise de l’eau : le cercle vicieux
- Les plastiques obstruent les canalisations et polluent les rivières de la ville (Ndjili, Kalamu, Makelele).
- Cela cause une lixiviation de microplastiques et d’additifs toxiques comme les phtalates ou le bisphénol A.,
- La REGIDESO est contrainte d’utiliser 4 fois plus d’intrants chimiques pour potabiliser l’eau, pourtant vendue à un prix dérisoire (0,3 USD/m³ pour les ménages, 0,8 USD pour les entreprises), contre 4 USD ailleurs.
Cette situation met en péril l’atteinte de l’ODD 6 : Eau propre et assainissement, qui semble hors de portée de l’horizon fixé de 2023 pour une grande partie de la population urbaine.
Plastiques et dégradation des sols : un frein à la souveraineté alimentaire
- Les décharges sauvages et l’enfouissement informel des plastiques affectent gravement les sols urbains et périurbains : baisse de fertilité, destruction de la microfaune, perte de capacité de séquestration du carbone,
- Les microplastiques perturbent les microorganismes nécessaires à la régénération des nutriments ;
- Restaurer les sols passe donc par la réduction drastique des plastiques, ce qui renforcerait à la fois la sécurité alimentaire et la résilience urbaine.
Une économie verte sous-exploitée : recycler pour construire et employer
- L’Expérience des prototypes présents à l’Incubateur du Génie scientifique congolais montre que le recyclage local des plastiques peut donner naissance à des produits à haute valeur ajoutée : pavés, tuiles, bancs publics durables,
- Ces initiatives réduisent jusqu’à 30 % des importations de matériaux dans certaines communes.
- Une filière artisanale et semi-industrielle du recyclage peut créer des milliers d’emplois verts.
- L’Incubateur du Génie Scientifique Congolais (IGSC) offre un modèle de valorisation des déchets et de promotion de l’innovation locale.
Recommandations pour une gouvernance verte et efficace
Renforcement des politiques publiques :
- Éducation environnementale dès le primaire pour améliorer tri et réduction,
- Cadre réglementaire renforcé : interdiction des plastiques non recyclables, fiscalité verte, subventions au recyclage ;
- Base de données nationales sur les flux de déchets plastiques.
Intégration communautaire et partenariats :
- Soutien aux coopératives de collecteurs informels, intégration dans le système formel,
- Création d’un centre de recherche et incubateur sur les plastiques à l’UCC (dans l’esprit de Laudato Si) ;
- Partenariats public-privé pour le recyclage avec transfert technologique.
Financement climatique : Pour une juste allocation à l’Afrique centrale
La RDC fait face à une injustice climatique structurelle : les financements mondiaux sont orientés vers l’atténuation dans les pays émergents, délaissant les besoins d’adaptation des pays forestiers comme le Congo.
Il est urgent de :
- Augmenter les budgets souverains de l’Etat pour assumer la destinée sur les ressources ;
- Renforcer le contrôle citoyen et parlementaire des flux financiers climatiques,
- Publier par l’OCDE les allocations par pays et bailleur pour plus de transparence ;
- Accélérer les réformes forestières pour lever le moratoire sur les concessions (en place depuis 2002) ;
- Soutenir une agriculture durable et l’accès à l’énergie propre, alternatives au bois-énergie ;
- Investir dans la science qui dialogue avec les décideurs, les financiers et les usagers
Bref : Vers une transformation durable
« À Kinshasa, le plastique est à la fois un problème et une opportunité. Grâce à la science, l’innovation locale, et la conscience collective, nous pouvons transformer un fléau urbain en ressource durable. » - Professeur Michel Bisa Kibul
Les déchets plastiques ne sont pas une fatalité. Ils peuvent être le point de départ d’un renouveau économique, écologique et social. Il est temps de bâtir une économie circulaire congolaise, qui protège nos forêts, nos eaux, nos sols, tout en créant des opportunités pour la jeunesse et les communautés urbaines. Cela nécessite une vision, du courage politique, le savoir environnemental, le pouvoir d’agir, la volonté politique et la mobilisation de tous.
Cellule de communication et vulgarisation de l'OG
UCC: Déchets plastiques, économie du climat et préservation des ressources naturelles