Extrait du discours du Professeur Henri MOVA SAKANYI

Sur la Résilience Collective : esquisse d’une géopolitique des résiliences dans le monde (Académie Africaine de Formation Politique)

Vivre est une entreprise trop dangereuse. Les hommes comme les sociétés vivent dans une situation où la dangerosité est permanente. Tout ce qui vit est appelé un jour à disparaitre.

Cette dialectique-là est permanente dans tout ce que nous faisons. Donc le jour qu’il vous arrive de ne plus régner, ne vous jetez pas par terre, dans un air catastrophique, dans beaucoup d’histoires, et tout ; c’est ça la dynamique de notre vie ; nous tendons toujours entre deux extrêmes « Eros » une sortie de vie et « Thanatos ». Et tant que vous n’êtes pas morts, ce que « Thanatos » n’a pas gagné, il faut continuer à se battre, à vivre.

Justement cette force qui vous permet chaque jour face au danger, aux menaces de toute sorte, que vous soyez quand même debout et que vous puissiez reprendre vie à chaque fois que vous êtes par terre, vous avez un genou à terre et que vous êtes malades mais chaque jour vous pouvez vous réveiller, même quand il y a une catastrophe, même quand il y a une bombe atomique, 6 août 1945 pour Hiroshima, 9 aout 1945 pour Nagasaki, mais ces villes aujourd’hui existent encore ; preuves de ce que nous allons voir dans notre conférence sur la résilience.

Cette capacité à l’être humain, ou tout ce qui vit de se refaire, de repartir au-delà de ce qui l’aura blessé, de ce qui l’aura fracassé pour se reconstituer.

Vous n’avez qu’à voir les différentes plaies que vous avez, les différentes cicatrices que vous avez sur votre corps, la preuve de votre résilience, c’est que vous vous blessez un jour, vous vous brulez un jour, et un jour après commence le processus de cicatrisation et parfois la disparition.

Parfois les cicatrices ne disparaissent pas totalement, peut être avec les technologies actuelles, on arrive à faire disparaitre certaines cicatrices mais ils ont une fonction sociale de vous rappeler qu’un jour vous fûtes fragiles, vulnérables que vous vous blessâtes.

Alors, ça vous rappellera toujours le danger du feu, du couteau, de la course, ou de la traversée d’une route, de la façon de conduire, et donc il y a comme une alerte chaque fois dans votre esprit parce que votre mémoire aura enregistré un choc advenu, qui aura perturbé et dérangé votre évolution normale.

Cela ce n’est pas que sur le plan de l’anatomie ou de la biologie ; les chocs de la vie nous les subissons aussi sur le plan mental, sur le plan psychique il y a de ces ruptures dans la vie qui nous amènent à tomber à terre, à pleurer parce qu’il y a un accident, un deuil , on a perdu un être cher, on a subi une déception amoureuse, il y a des gens qui traversent, n’est-ce pas ; il y a des amis qui disparaissent ; il y a plein de choses qui arrivent dans la vie des êtres que si nous n’avions pas la capacité de tenir et de rebondir, on mourrait à chaque fois qu’advenaient ces dangers-là, ces menaces, ces adversités, ces hostilités, ces stress et ces forces rejetantes, ces forces qui dissipent la quintessence de notre vie ; c’est ce dont nous allons parler aujourd’hui sous la forme de la résilience qui peut soit s’observer sur le plan individuel mais qui peut également être observé sur le plan collectif.

Et donc, la résilience est cet art de s’adapter aux conditions nouvelles après qu’une crise soit survenue. Ça peut être une crise économique, ça peut être une faillite, ça peut être une défaite politique, ça peut être une défaite sportive, ça peut être la maison qui brule, l’échec à l’école, on n’atteint pas ses buts, ses objectifs, on n’a pas d’enfants ou on en a trop, on ne pensait pas les avoir, on ne s’entend plus en famille ; c’est important de savoir que là ne s’arrête pas le monde quel que soit ce qui vous arrive.

La preuve que vous êtes résilients ce que vous existez, il y a d’autres résilients qui existaient avant vous et qui vous ont donné naissance et qui vous ont donné un certain nombre de capacités génétiques déjà à pouvoir vous refaire à chaque fois que vous êtes percutés.

Il est vrai, on ne s’en sort pas toujours indemne de toutes les situations ; ce n’est pas toutes les situations qui nous laissent en état et nous ne repartons pas avec la même vigueur après un choc ; il y a des chocs qui vous laissent amputés, il y a des chocs qui vous laissent complètement bouleversés, il y a des chocs qui vous laissent paraplégiques vous ne pouvez plus jamais marcher, il y en a qui vous obligent à vous déplacer dans des chaises roulantes.

La résilience ne s’entend pas de la réfection à l’identique que la situation antérieure mais c’est la nouvelle manière de mener  une nouvelle vie après que quelque chose de douloureux soit arrivée et qui en principe à cause de ce qu’on appelle la sidération vous aurait laissé sans possibilité de discours ni d’action.

Donc mes chers amis aujourd’hui je vous ai fait venir pour vous dire quel que soit ce qui vous arrive dans la vie même la pire des catastrophes, même l’inimaginable, quand bien même tout le monde dans cette salle mourrait et que vous seriez  seul survivant, il faudra apprendre à continuer à vivre. De toute façon vous n’avez pas de choix. Les forces de résilience sont telles que parfois elles vous emportent malgré vous, mais c’est rare ; en principe la résilience se construit, la résilience c’est  un acquis, ce n’est pas inné, ce n’est pas par héritage qu’on devient fort du fait de ses parents, il est vrai que il y a les dimensions génétiques qui s’imposent mais ce n’est pas suffisant pour constituer une vraie résilience ; ce n’est qu’une dimension comme votre taille, ça peut déjà être un avantage, votre poids ou votre naissance dans une famille donnée pas dans une autre, mais ce n’est pas une garantie que vous réussirez dans le vie par ce que vous êtes nés dans une famille donnée ,que vous êtes géants, ainsi de suite. Chacun fait sa résilience avec ce qu’il a sous la main.

Etymologiquement, la résilience vient du mot « resilire » ou « resalire » qui est une situation identifiée par le latin pour signifier une deuxième  fois, c’est-à-dire un deuxième saut. Parce que le premier niveau veut dire « salire »donc sauter, et ça a donné « resalire »comme resauter, c’est-à-dire sauter deux fois, donc éviter une situation, aller au-delà de ce qui vous freine. Voilà ce qu’on pourrait considérer comme le premier moment.

Ceux qui vont vulgariser cette notion ne sont même pas des sciences humaines comme la plus part d’entre nous ici mais c’est surtout dans le monde la physique que va s’imposer le mot « résilience » en fait pour signifier que certains solides notamment les métaux, lorsqu’ils ont subi des chocs, ils ont une capacité inexpliquée à l’époque de revenir à la forme idéale. Lorsqu’on leur imposait une pression, soit une torsion, ils ont une capacité  à revenir à la forme idéale et lorsque cette métaphore sera appliqué à l’homme et aux autres dimensions de la vie on va y trouver une possibilité pour tout ce qui vit à encaisser un choc, à ne pas en mourir mais d’aller au-delà ; et donc d’avoir une grosse plaie béante et puis de la voir se cicatriser. Parfois il y a des plaies qui se cicatrisent même sans médicament, le corps a accéléré la cicatrisation.

Le modèle le plus immédiat qui puisse nous permettre à savoir que nous avons la capacité de transcender, de sauter l’obstacle et de connaitre une autre croissance, un développement diffèrent de ce qu’on avait vécu, une vie peut être qui vous paraissait simple qui puisse se prolonger dans l’harmonie et qui un jour est percutée parce qu’un évènement malheureux est advenu, où l’être cher qui vous contient pour vivre n’est plus là, il faudra apprendre à vivre dans cet être là. C’est très difficile pour quoi, parce qu’il y a cette période de deuil, une transition entre la période avant et la période après ; c’est prendre acte que « Thanatos » aura été plus fort qu’ « eros », que la force de la mort a eu raison de la force de la vie mais que ceux sont vivants sont comme des rescapées après un naufrage, ceux qui ne meurent pas devraient continuer et doivent déjà commencer par enterrer ceux qui sont morts.

Après ceux qui sont  dans les sciences dures, ce qui sont dans la physique qui ont parlé de la résilience notamment Theodore Moore, arrive au 16eme siècle en Angleterre où on cherche à appliquer ça à  la religion en montrant la capacité de l’âme à se sortir du mal ambiant importé par le corps, et de vivre. les anglais parlent de la « resiliency » sur le modèle de l’origine latine « lesidire » ; après eux la chose va évoluer, utilisé ici et là dans la littérature par exemple Claudel ou André Maurois, aussi par les Américains après la crise de 1929, ils ont eu une capacité qu’ils appellent la resiliency après la crise forte que les gens ont vécu, de pouvoir rebondir et repartir de plus belle et vivre une vie encore beaucoup plus époustouflante que ce qu’ils avaient vécue avant l’arrivée de la crise.

Donc, les tempêtes ne manqueront pas dans la vie, ne nous y trompons pas ; roi ou roturier, cordonnier ou président de la république, tout le monde a des tempêtes dans la vie, tout le monde est secoué un jour par l’une ou l’autre chose. Ceux qui n’ont jamais connu de problèmes ce qu’ils ne sont pas encore vivants. Le jour que vous entrez dans cette atmosphère c’est-à-dire vous naissez, commence déjà là les problèmes. Mais il  y a une bonne nouvelle, vous n’êtes pas complètement désarmés, vous n’êtes pas complétement démunis lorsque les problèmes arrivent ; vous êtes dotés des capacités en vous-même et en votre entourage qui vous permettent que lorsque cette guerre commence que vous ayez des troupes aéroportés des troupes terrestres, vous avez des armés, des militaires qui puissent vous donner la capacité à contrer les problèmes et  à les dépasser. Donc ne criez pas toujours lorsqu’il vous arrive un problème, ne criez pas toujours lorsque vous tombez et que vous êtes à terre, ou si vous perdez,  vous échouez sur une matière, vous échouez à une élection ou à un examen,  il ne faut pas crier au scandale, il ne faut pas tout le temps crier « pona nini kaka ngai » donc tout le monde a de problèmes ;

la preuve si on essayait de changer de places, on vous donne à vivre la vie d’un autre, au bout d’une journée vous ne l’aimerez pas ; la meilleur vie c’est la vôtre, avec le patrimoine que vous avez et avec vos parents que vous avez ; les parents des autres ne sont pas les meilleurs, ne vous trompez pas ; ils sont bons que lorsqu’ils sont loin de vous, un jour arrive une situation qui va vous permettre de savoir que vous êtes le meilleur exemplaire de vous-même dans ce monde. Tout ce que vous avez à faire c’est de vous comparer à vous-même et de produire la meilleure version de vous-même.

Dans cette évolution de la vie pour que l’on se déverse dans la mort, on n’a pas encore trouvé d’autres formules pour empêcher cela, tout ce qu’on peut obtenir, je vois un médecin ici c’est de la retarder. Entre temps, qu’est-ce que nous faisons de la vie que nous avons, nous n’avons pas mangé le matin, nous mangerons le soir, si nous n’avons pas mangé le soir nous mangerons demain ; si cette semaine nous n’avons pas mangé, nous mangerons la semaine prochaine. Et donc si on n’est pas bien habillé aujourd’hui, ne vous faites pas de soucis ; il y a peut-être une mode extraordinaire qui vous attend, c’est celle-là la vôtre, pas celle que vous enviez ; donc pas de paniques, il arrive toujours dans la vie où les forces de la vie ont toujours le dessus sur les forces de la mort.

D’ailleurs même en échouant, c’est une bonne nouvelle parce qu’au moins vous apprenez que l’échec est possible. Ceux qui n’ont jamais échoué dans la vie le jour où ils ont un problème ça peut être le dernier. Donc le jour qu’il vous arrive un malheur, ayez une capacité d’attitude paradoxale d’être heureux pour dire je vais apprendre de ce malheur, je vais apprendre de cette douleur, je vais apprendre de cet échec ; et donc finalement l’échec n’existe pas parce qu’il donne une leçon. Tout ce qui nous arrive, arrive pour une bonne raison pour que nous apprenions justement à éviter cette erreur là ; le passé devient donc un déversoir des leçons à apprendre, le présent pour appliquer ce qu’on a appris comme leçons et puis l’avenir pour corriger si entre temps ce qu’on a fait dans le passé n’a pas produit les résultats escomptés.

Assistant Faustin BIRINDWA

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