Valorisation de la chaîne socio-anthropologique des Entreprises du Portefeuille Congolais
Du 9 au 14 décembre 2024, au Centre financier de Kinshasa et ce, dans le cadre des États Généraux des Entreprises du Portefeuille de l'État, la RD. Congo repenser la gouvernance et les gouvernementalités de ses entreprises publiques et mixtes pour en faire des moteurs de développement et des solutions concrètes aux défis socio-économiques du pays. Depuis une décennie déjà, le Gouvernement congolais, à travers des réformes structurelles, avait choisi de transformer ces entreprises en sociétés commerciales, avec pour objectif de stimuler la croissance économique et d’accélérer l’émergence nationale, ce qui n’a pas été réalisé jusqu’ici. Les critiques majeures subsistent sur la gouvernance et les mentalités humaines de ceux qui gèrent, collaborent et utilisent les services et biens de ces entreprises étatiques ; leur impact limité sur le développement durable du pays est demeuré marginal.
Critiques Majeures de la Gouvernance des Entreprises du Portefeuille
La gouvernance des entreprises publiques congolaises rencontre plusieurs obstacles structurels et comportementaux qui freinent leur efficacité et leur potentiel. Parmi les critiques les plus fréquentes, on note :
1.1. Prépondérance des pratiques de la Vampirisation de l’État (Michel Bisa, 2019 et 2023), d’une gouvernance Kleptocratique (Héritier Mambi 2021) et des prédations généralisées (privatisation de fait des entreprises du portefeuille),
1.2. Politisation et clientélisme à outrance : les entreprises étatiques sont souvent soumises à une gestion politicienne où les recrutements et nominations sont basés sur des considérations clientélistes, recommandations des militants et non sur des critères de compétence. Cette surpolitisation à outrance des mécanismes de nomination tant des dirigeants, dirigés et usagers ainsi que des partenariats stratégiques est un handicap majeur. Un mécanisme de dépolitisation de la gestion est donc essentiel ;
1.3. Manque d’ancrage local : la réforme de ces entreprises reste insuffisante tant que la mentalité des acteurs, en particulier des gestionnaires, partenaires et usagers, n’a pas changé ;
1.4. Absence de mécanismes efficaces de la chaine de valorisation des solutions locales, matériaux locaux et besoins communautaires : malgré un cadre légal amélioré, le pays fait face à un manque de mise en œuvre cohérente des réformes et des règles de gouvernance, ce qui limite la compétitivité et l'efficacité des entreprises du portefeuille. Par ailleurs, l’ignorance des acteurs et matériaux locaux, y compris des innovations et résultats des recherches congolaises, c’est-à-dire, la valorisation de la Chaîne Socio-Anthropologique des Entreprises du Portefeuille Congolais fait que ces entreprises ne sont pas, conformément aux attentes du PNSD -2024-2028 - des Solutions aux Défis du Pays.
1.5. Des Logiques néocoloniales, quantitatives fortement tournées vers l’extérieur et sans dimensions qualitatives.
Recommandations pour un Impact réel, situé et durable
Pour que les entreprises publiques deviennent de véritables solutions aux problèmes socio-économiques de la RDC, plusieurs recommandations doivent être mises en œuvre :
2.1. Renforcer la dépolitisation de la gestion : il est impératif de séparer la gestion des entreprises publiques des influences politiques et de favoriser des nominations basées sur la compétence et l’expérience. Cela inclut la formation des gestionnaires et la mise en place de mécanismes de contrôle rigoureux mais aussi de la pénalisation de l’incompétence dans les entreprises publiques ;
2.2. Valoriser les innovations, intentions locales, y compris frugales ainsi que les résultats des recherches congolaises, y compris de la diaspora : le pays regorge de solutions locales disponibles au niveau de l’Incubateur du Génie Scientifique Congolais du MRSIT, souvent issues du génie congolais, évalués par des Jurys rigoureux et accompagnés par une structure qui veille sur l’assurance qualité. Ces prototypes, déjà évoqué en session officielle par le Ministre Gilbert Kabanda, peuvent être intégrées dans les processus industriels et commerciaux des entreprises du portefeuille. Il devient primordial de promouvoir et d’intégrer ces innovations dans la stratégie de développement économique des entreprises publiques, y compris dans les domaines en lien avec le changement des mentalités.
2.3. Encourager la diversification économique et la souplesse des entreprises du portefeuille : l’économie congolaise, encore largement dépendante des secteurs extractifs, nécessite une transformation profonde pour se diversifier. Les entreprises du portefeuille doivent jouer un rôle central dans cette diversification, en élargissant leurs domaines d’investissant dans des secteurs comme l’agriculture, l’agro-industrie et les infrastructures mais aussi, en imaginant des mécanismes fédérateurs du secteur informel qui occupe plus de 80% des microstructures de l’économie congolaise. La réalpolitik économique exige de supprimer des barrières, souvent occidentalo-centriques, entre le formel et l’informel.
2.4. Mettre en œuvre des partenariats public-privé efficaces : les entreprises publiques doivent établir des partenariats avec le secteur privé pour stimuler l'innovation, améliorer leur rentabilité et offrir des services de qualité aux citoyens. Si le portefeuille congolais veut être une solution à l’angoisse existentielle congolaise, ses entreprises doivent apprendre à (i) écouter et dialoguer avec la société congolaise (Audiosociologie cher à François Palama), (ii) à produire ce que les congolais consomment et à consommer, elles-mêmes, ce que les congolais produisent (made in DRC).
La Valorisation des Innovations et Inventions Congolaises
L’intégration des résultats de la recherche scientifique et des innovations technologiques congolaises dans la gestion des entreprises publiques constitue un levier stratégique pour leur transformation. En valorisant les inventions et innovations locales, y compris frugales, la RDC pourra non seulement réduire sa dépendance vis-à-vis des importations, mais aussi renforcer sa souveraineté économique et la création des millionnaires congolais (chaîne de valorisation des emplois). Le Gouvernement, à travers le Ministère du Portefeuille, doit impérativement encourager l’utilisation de ces technologies dans les entreprises publiques, en :
3.1. Créant des réseaux d'innovation intersectoriels pour encourager la collaboration entre les ministères, les entreprises publiques et les chercheurs ;
3.2. Soutenant l’incubation d’idées novatrices et en facilitant leur insertion dans le marché, tant national qu’international ;
3.3. Participation aux forums annuels de mise en relation entre les innovateurs, les investisseurs et les entreprises du portefeuille.
De l’ancrage Socio-Anthropologique de la Gestion des Entreprises du Portefeuille
Pour que les réformes aboutissent à un changement durable, il est nécessaire de les inscrire dans un cadre socio-anthropologique qui respecte les spécificités culturelles et les réalités du terrain. Cela passe par :
4.1. La prise en compte des savoirs et savoir-faire locaux : les contextes locaux congolais sont riches en matériaux, acteurs et savoirs négligés, si pas ignorés et les communautés locales possèdent des connaissances et des solutions adaptées à leurs besoins, qu’il convient de valoriser dans les processus de gestion des entreprises publiques. Certains des résultats de ce génie congolais sont disponibles au niveau des structures du MRSIT,
4.2. La promotion de l’inclusion sociale et économique : l'implication des groupes marginalisés, notamment les femmes et les jeunes ainsi que la prise en compte des entreprises et organisations du système social (informel), dans les initiatives des entreprises publiques est essentielle pour un développement véritablement inclusif et ancré dans la durabilité.
4.3. Un accompagnement personnalisé pour les innovateurs et inventeurs : des ateliers de formation et des plateformes de collaboration – innovateurs et entreprises publiques - doivent être mises en place, avec le concours de l’IGSC, pour soutenir les innovateurs congolais dans l’amélioration de leurs projets et leur commercialisation ainsi que l’ancrage des entreprises publiques vers le terrain
Conclusion
La gouvernance et les gouvernementalités des entreprises publiques en RDC doivent être réformées en profondeur pour qu’elles deviennent des moteurs de croissance et des instruments au service de la société congolaise. En adoptant des stratégies axées sur la dépolitisation et la dévampirisation, la valorisation des innovations locales et matériaux locaux ainsi que la diversification économique et le dialogue social, y compris avec le secteur informel, la RDC peut transformer ses entreprises publiques en solutions concrètes aux défis de son développement et canaux de compétitivité internationale et originale.
L’adhésion du gouvernement à ces réformes, avec l’appui de la recherche scientifique et des acteurs privés, sera importante pour atteindre les objectifs de croissance inclusive et d’émergence à l’horizon 2050.
Fait à Kinshasa, le 9 décembre 2024
Prof. BISA KIBUL Michel
États Généraux des Entreprises du Portefeuille de l'État, la RD. Congo