Quand le savoir s’élève, le pouvoir, la volonté et le devoir politique tremblent. C’est dans une salle du fleuve Congo hôtel pleine, habitée d’une atmosphère solennelle et savante, que le Département des Sciences Politiques de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) a assisté, ce vendredi, à un événement éditorial d'envergure : le vernissage du tout nouveau livre du Professeur Emmanuel Ramazani Shadari, une œuvre monumentale de 359 pages intitulée :
"Institutions politiques de la Troisième République. Une sclérose en RDC"
Sous les auspices du Professeur Toussaint Tshilombo Send, président de circonstance, et en présence de nombreux professeurs, chercheurs, doctorants et étudiants, cet événement n’a pas simplement marqué la sortie d’un livre, mais l’élévation d’un débat critique, suscité par le Prof Michel Bisa/Moluki pe Motangisi, autour de la santé politique, judiciaires et apolitiques des Institutions notre République, conformément ou en marges des prescrits de la Constitution du 18 février 2006.
C'est donc aussi un livre sur la santé et le bien-être étatique
Une radiographie intellectuelle sans complaisance de l'État congolais
Dans cette œuvre dense et éclairante, le Prof. Emmanuel Ramazani Shadari s’adonne à un exercice rare : une introspection théorique de notre système politique, à la fois comme enseignant-chercheur et comme Acteur majeur de terrain très rocailleux de la scène envoûtée et envoutantantes des méandres politiciens.
Il interroge sans détour les écarts abyssaux entre le texte constitutionnel et sa mise en œuvre, entre le nomos et la praxis, entre ce qui est et ce qui devrait être mais aussi entre ce qu'on sait et ce ne sait pas. Bravo à l'auteur qui définit aussi la politique et la science politique.
La sclérose qu’il évoque n’est pas une simple métaphore. C’est une véritable gangrène institutionnelle, un effondrement de la norme sous le poids d’une pratique corrompue, privatisée, vampirisée par des agents publics devenus "braconniers commis éco-gardes", selon les mots du critique, Michel Bisa.
"L’homme d’État se fait antivirus… mais infecté par le virus même qu’il prétend combattre." C'est cela qui justifie le fait que même les intellectuels qui vont en politique finissent par être politiser (médiocriser) au lieu qu'ils intellectualisent la vallée des certitudes politiques.
Une formule qui résume à elle seule l’implosion éthique de la gouvernance congolaise depuis 2006.
Quand l’homme politique rencontre le chercheur : une dualité lucide
Ce qui rend l’ouvrage singulièrement puissant, c’est cette distance épistémologique maîtrisée entre l’auteur et l’acteur politique qu’il fut et est encore. Le Professeur Shadari ne se cache pas : il expose ses propres contradictions, notamment sa position lors du débat sur la révision constitutionnelle du scrutin présidentiel.
Il faut un courage scientifique exceptionnel pour critiquer l’homme que l’on a été, pour disséquer avec rigueur les postures qu’on a jadis adoptées, a souligné le Prof. Michel Bisa Kibul, dans sa présentation magistrale du livre, qui fut à la fois analyse, recension et critique scientifique.
Un vernissage d’élite, entre mélancolie, espoir et urgence
L’ouvrage a été préfacé par le Prof. Emile Bengali, socio politologue d'une autorité scientifique incontestée du savoir politique.
Le vernissage quant à lui a été conduit par le Professeur Émérite Auguste Mampuya, une sommité des sciences juridiques, dans une ambiance à la fois studieuse et prophétique.
Le public nombreux, notamment les Professeurs Célestin Musao, Isa Yuma, Nadine Abemba, Nadia Kapinga, Aubin Minaku, Maurice Ntabwe, Mutach Yav, Lucain Kasongo..., a salué la profondeur de l’analyse et la beauté accessible de l’écriture, "succulente et attrayante comme des minijupes sur de belles cuisses", a glissé un intervenant avec humour et poésie.
La mort de l’État ou sa renaissance ?
Le livre de Shadari jette un regard alarmé, presque apocalyptique sur l’État congolais en état de mort clinique. Le diagnostic est sans appel : Son pronostic vital est engagé. Ses membres à l’est géographique déjà amputés. Le cerveau central infecté par une élite inconsciente, désinvolte et tribale.
Mais fidèle à une philosophie de la résilience, l’auteur reste optimiste. "Nous n’allons pas jusqu’à la fin de l’État," écrit-il, avec en quatrième de couverture, l’antidote proposé.
Un livre, une alerte, un appel à la responsabilité scientifique
Dans une envolée oratoire digne d’un tribun, le Prof. Michel Bisa, s’adressant aux ennemis de la qualité et aux fossoyeurs de nos institutions, a rappelé une parole divine détournée : "Même Jésus, Dieu Lui-même, avait dit à Juda : ce que tu as à faire, fais-le vite et maintenant" Et de conclure : Mais Juda ne savait pas qu’il se prenait avant même la mort de son Maître..."
La science contre le pouvoir : appel aux maîtres de la pensée
Aujourd’hui, le savoir politique doit reprendre ses droits sur le pouvoir politique, sur la volonté politique. Car si "la volonté politique est versatile", la science, elle, reste un mètre-étalon du discernement.
Où sont les Guillaume Samba Kabuto, Faustin Mulambu, Mukoka Nsenda, Muyer Oyong, Wembi Kakese, Abemba Bulaimu, Mulumbati NgaSha, Bola Ntotele, Berling Kingnmbe wa Kingombe, Mathias Bwabwa wa Kayembe, Kabuya Lumona Sando, Ilunga Kabongo, Jean-Pierre Lobho lwa Djugudjugu et tous nos autres Maîtres ?
Leurs ombres planent sur les SPA de l’UNIKIN, comme des vigies intellectuelles appelant à la reconquête de la souveraineté scientifique.
À lire absolument !
Cet ouvrage est plus qu’un livre. C’est une clef de lecture politique de notre époque institutionnelle, une archive vivante, un cri d’alarme et un acte de foi en la réforme. Accessible, rigoureux, dérangeant parfois, prophétique souvent.
À vous qui cherchez à comprendre l’échec de l’État en RDC, à vous qui doutez encore de la capacité de l’intellectuel congolais à s’auto-critiquer, à vous qui pensez que tout est perdu : lisez Emmanuel Ramazani Shadari.
Bravo au Professeur Shadari!
Et que la science continue de régner sur la politique. Car toute volonté politique, si elle échappe à la rationalité scientifique, devient pure tyrannie.
Une Œuvre scientifique qui interroge l’État : une sclérose en RDC